A l’embouchure

dans la touffeur de midi, les lauriers roses,
retombants  par dessus un mur, alanguis,
l’enserrent  dans leur lourd  parfum  tiède

et, à des années de distance, lui revient
l’odeur douceâtre des trapiches*, là-bas,
aux Antilles, au Nicaragua ou au Salvador,
broyant la canne à sucre en plein vent
dans une nuée d’insectes bourdonnants,

ou ces effluves sucrés de l’engrais humain
macérant lentement dans les fosses,
qui stagnaient dans l’air immobile du matin
dans les anciens faubourgs d’Hanoï
aux trottoirs convertis en plates-bandes,
où poussaient, grâce à ce don de la nature,
de beaux légumes et des fines herbes
qu’on retrouvait dans le phở** traditionnel,
en ces temps rudes et héroïques de guerre
et de malheur, de courage et de fierté
qui appartiennent à un passé presque mort


par le hasard et la magie d’un parfum oublié,
la Tamarissière*** devient ce lieu étrange
où, soudainement, l’autrefois et l’aujourd’hui,
l’ici et l’ailleurs, se rejoignent,
elle est l’embouchure où le fleuve et la mer,


les eaux douces et les eaux salées


                                            de la mémoire

                            se mêlent et  se confondent





* moulins à sucre traditionnels
** phở : soupe tonkinoise traditionnelle à Hanoï
*** hameau à l’embouchure de l’Hérault, rive droite


Poème de Jped
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