La brebis égarée

Deux amis un peu grisés
Sont entrés dans une église,
Aussi à l’aise il faut dire
Que si ils étaient chez eux.
 
Dans ce lieu un peu austère,
Où la fraîcheur s’insinue
Entre les parois de pierre,
L’obscurité contribue
À ce que l’âme s’apaise.
 
Spontanément ils devisent,
Enjoués et sympathiques,
Et poursuivent leur dialogue
L’un s’exprimant haut et fort.
 
Ils ne voient pas leur voisine
Recueillie dans la prière,
Jeter un œil courroucé
En direction des compères.
 
De son prie-Dieu elle s’indigne
Et se retourne fâchée,
Lançant des « chut ! » appuyés
Qui résonnent dans l’église ;
 
L’autre gaillard, étonné
Répond sans se démonter,
Souriant, l’œil amusé :
« Madame, il faut m’excuser
Mais je suis, vous comprenez,
Dans la maison de mon père !…»
 
Par les vitraux la lumière
Se colore doucement
Tandis que brûlent les cierges
Dressés vers le firmament.
 
Ne se faisant pas prier,
La fidèle éberluée
Par cet aplomb singulier
Quitte alors ces « débauchés »
Et fuit sans se retourner.
 
Car la maison du Seigneur
Appartient à ses enfants ;
Les plus simples, les plus humbles,
Ceux qui, encor innocents,
Lui parlent directement,
Sans aigreur ni faux-semblants…
 
Et la brebis égarée
N’est pas là où on l’attend.


Ce poème est dédié à Monsieur Hovhannès Haroutiounian qui m’a confié ce souvenir.

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