– À ma fille –
Envole-toi, beau martinet,
Ne reste pas là, prisonnier
De ce voilage à fin maillage
Recouvrant les échafaudages !
Après avoir dû endurer
La migration que l’on connaît
Pour revenir dans nos contrées,
C’est un crève-cœur de te voir
Avec tes longues ailes noires
Repliées pour t’équilibrer,
Te démenant pour te hisser
Toujours plus haut, vers le sommet,
Puis de ton mieux te cramponner
À cette bâche carcérale
Sans rien pour te récompenser
D’autant d’énergie déployée ;
Admirable ténacité
D’un être épris de liberté,
Soudain captif et isolé,
Privé d’un espace vital,
Heurtant les perfides filets
Habillant ces mâts de métal.
Mais après tant de vains efforts,
Sans une once de réconfort,
Tu te blottis, découragé,
À l’extrémité du plancher,
Te retenant sans plus bouger
Avec tes minuscules pattes,
Vulnérable et désemparé.
***
On a fait ce que l’on pouvait
Pour que tu puisses te sauver,
Essayant de te diriger
Avec vigilance et respect
Vers une possible échappée ;
Comme la nuit était tombée,
Il a fallu se séparer,
Maintenant la toile entr’ouverte
Avec tous les moyens du bord,
Pour que cette bouffée d’air frais
Puisse revigorer ton corps ;
Et ce matin, avant l’aurore,
Tu t’étais enfin évadé
De ce redoutable guêpier,
Retrouvant le ciel azuré,
Et l’essentielle liberté
Qui sied aux messagers ailés…
Envole-toi, beau martinet !